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Insolvabilité : de l'excusabilité à l'effacement, quel impact ?

Dans le cadre de la nouvelle loi régissant les faillites entrant en vigueur le 1er mai 2018, le concept d'effacement vient bousculer les procédures. Quelles en sont les conséquences pour les faillis et les créanciers ?

Les éditions Anthemis ont récemment publié un ouvrage collectif* sous la direction d'Alain Zenner, avocat et spécialiste reconnu du droit de l'insolvabilité, qui propose une analyse panoramique de la réforme. Nous avons rencontré Alain Zenner, ainsi que deux contributeurs à cet ouvrage, Christophe Bourtembourg et Nicholas Ouchinsky** pour en mettre en évidence certains aspects. En l'occurrence le nouveau concept d'effacement.

* Le droit de l’insolvabilité : analyse panoramique de la réforme
** Christophe Bourtembourg et Nicholas Ouchinsky sont tous deux avocats au barreau de Bruxelles et spécialisés notamment dans le droit des entreprises en difficulté.

L'effacement remplace l'excusabilité

Jusqu'à l'entrée en vigueur le 1er mai dernier de la nouvelle loi sur l'insolvabilité des entreprises et en particulier du Livre XX, on parlait d'excusabilité du failli

Le failli, pour autant que sa faillite n'aivait aucun caractère frauduleux, pouvait être excusé et voir ainsi l'exécution de ses dettes suspendue. 

Une évolution dans l'air du temps

Mais un nouveau mouvement est en marche. Un mouvement inspiré du droit anglo-saxon où le failli, au lieu d'être considéré comme en échec, est considéré comme plus expérimenté et dès lors plus susceptible de réussir dans sa nouvelle entreprise. D'où un nouveau concept, celui d'effacement, qui remplace désormais l'excusabilité. 

Le concept d'effacement, qu'est-ce que c'est, précisément ?

L'effacement fait référence à un effacement pur et simple des dettes du failli et de ses coobligés (un conjoint ou cohabitant légal par exemple) sous réserve de certaines exceptions. 

L'intention représente sur son principe une avancée incontestable. Mais une analyse plus fine du texte montre que l'effacement tel qu'il a été formulé par le législateur manque largement sa cible.

Une vraie avancée, ce concept d'effacement ?

Lors des travaux préparatoires, il était prévu que l'effacement soit automatique. On remarque qu'au final, il en va tout autrement.

Selon le nouveau système, le débiteur peut déposer une requête au moment de la déclaration de faillite ou dans les trois mois suivant son prononcé pour obtenir un « effacement du solde de ses dettes, sans préjudice des sûretés réelles données par le débiteur ou un tiers ». 

Toutefois, des tiers peuvent déposer une requête pour demander que l'effacement ne soit pas accordé, ou bien partiellement. Le risque de voir par exemple un concurrent déposer une telle requête n'est pas absent... 
La requête pour effacement déposée par le failli doit comporter de nombreuses mentions et annexes. Or, en situation d'aveu de faillite, les moyens financiers sont limités. Recourir à un avocat pour constituer ce dossier peut, ce faisant, être rédhibitoire. Inversement, si le failli n'est pas correctement conseillé, le risque de se voir refuser l'effacement est accru.

Autre contre-effet de la nouvelle loi

Une personne déclarée en faillite par défaut par le tribunal apprend trop tard qu'elle a été déclarée en faillite. Elle ne pourra plus jamais obtenir l'effacement, même si elle était de bonne foi et qu'il ne s'agissait pas de fraude. Cette personne devra dès lors payer toute sa vie.  

Ainsi, Maître Nicholas Ouchinsky (Lexlitis) en conclut qu'en fin de compte cette procédure d'effacement relève d'un véritable parcours du combattant.

Des aspects positifs tout de même

Un changement applaudi toutefois : la faillite a dorénavant pour effet de n'affecter que les dettes du passé, et que le patrimoine du passé. 

Maître Nicholas Ouchinsky explique : « Dans le régime de l'excusabilité, lorsqu'une personne physique était déclarée en faillite, une partie de son patrimoine et de ses revenus reviennent à la masse. »

« Le curateur peut ainsi se saisir d'une série de choses sous les réserves de tout ce qui est réputé insaisissable, avec les limitations de saisissabilité prévues par le Code judiciaire. Du coup, en théorie, si je tombe en faillite demain, je peux continuer une activité commerciale, mais toute la partie qui dépassera le montant de l'ordre de 1.430 euros, je dois la verser au curateur et ça entre dans la masse et ce jusqu'à la clôture de la faillite ou à ce qu’une décision soit rendue sur l’excusabilité. Pendant cette période, une portion de mon salaire, la portion saisissable, doit donc être versée à la masse pour que le curateur la redistribue ultérieurement à mes créanciers. »

« Grosse réforme : tout ça c'est du passé. »

« Donc, à partir de maintenant, le curateur ne peut se servir que des sources de revenus liées à des créances qui sont nées avant la faillite, en fait qui sont liés à l'activité entrepreneuriale faillie. Ce principe est en accord avec le projet de Directive du  Parlement européen et avec les recommandations de la Commission qui encouragent les États membres à favoriser le fresh start. L'idée est dorénavant que tous les nouveaux revenus de l'entrepreneur personne physique lui appartiennent et ne peuvent rentrer dans la masse. »

Des instruments pour permettre la continuité

L'idée principale sous-jacente du fresh start est de permettre la continuité de l'activité économique pour tous. Maître Ouchinsky rappelle que l'idée du fresh start date de la Guerre Civile américaine qui, une fois les anglais partis, avait laissé le pays dans la banqueroute. Pour permettre la survie économique, l'idée était que l'effacement pur et simple de la dette bénéficierait à tous, faillis et créanciers, et encouragerait la reconstruction ensemble. Tout le monde met la main au pot.

Le texte de loi prévoit des mesures pour assurer la continuité des entreprises et prévenir la faillite : chambres de dépistage, procédures de réorganisation judiciaire (PRJ) et loi relative à la continuité des entreprises (LCE). Toutefois, comme le constate Alain Zenner, quel que soit l'instrument, l'intervention arrive toujours trop tard.

Une véritable prévention requiert davantage de signaux d'alerte

Ainsi, les instruments prévus par la loi ne sont pas assez anticipatifs. Pour y remédier Graydon a mis au point une analyse fine, recourant à un plus grand nombre de critères qui constituent des clignotants plus pertinents et complets permettant de dépister plus tôt les entreprises en difficulté ou frauduleuses. 

La faillite touche environ onze mille entreprises par an en Belgique, alors qu'il estime à soixante mille le nombre d'entreprises réellement en grave difficulté. Selon Alian Zenner, le créancier qui cherche à protéger ses revenus pourra donc recourir à ces analyses pour anticiper les mauvaises surprises. 

Graydon propose comme première piste un e-papier pour reconnaître une faillite imminente.

13 signaux pour reconnaître une faillite imminente

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